jeudi 7 juillet 2011

Cartons et broyeur de papiers

Il y a des gens qui connaissent ce blog depuis le premier jour. Il y en a qui y viennent parfois. Il y en a aussi sans doute qui tombent ici par hasard. Certains aiment lire ce qu'ils y trouvent, d'autres passent leur chemin, dubitatifs.

Il y a moi, qui ne peux m'empêcher d'aimer partager mes idées. Qui trouvent le concept du blog plutôt utile. Pas un bloggeur intensif, mais un bloggeur quand même. Une année difficile s'achève et alors vient le moment de ranger dans le passé ce qui ferait mieux d'y rester et de tirer jusqu'à la dernière goutte du jus des baies de cette difficile mais fructueuse période. Ainsi, adieu ce blog, qui n'a plus tant d'âme, bonjour le bébé blog qui naît en ce moment même.

Si vous lisez ces lignes, c'est que vous êtes l'une des personnes ci-dessus présentées. Si vous n'êtes pas de la dernière trempe, je vous invite à revenir prochainement sur ce même topic pour découvrir le lien vers une nouvelle adresse. Un blog nouveau et en même temps héritier de celui-ci qui, je l'espère, avec simplicité, saura vous transmettre quelques pensées bien nourrissantes. Par la suite, quand le temps sera venu, je songerai à rendre à ce bon vieux blog les honneurs funèbres qu'il mérite. Laissez-moi encore le temps de moudre mon grain (l'espace d'un été peut-être), et je glisserai ici pour vous un petit fil d'Ariane.

Bien cordialement,
Tom

vendredi 23 juillet 2010

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Les dieux uniques sont nombreux et divisés. Nos dieux sont légions, mais ils sont forts parce qu'ils sont unis.

Voilà ce que j'ai envie de dire.

Il est évident que le monothéisme est un leurre : il n'y a jamais eu autant de dieux uniques en guerre les uns contre les autres. Jamais autant de Vérités différentes qui se crachent au visage mutuellement, dans un conflit incessant vers l'universalité. Ceux-là ont voulu imposer leur dieu unique, "trois-en-un formule surpuissante"... Ceux-ci sont le peuple élu du dieu créateur de toutes choses, bien sélectif pourtant... Et ceux-là encore, qui ont leur livre révélé aussi, leur dieu unique, leur prophète... Et encore on n'évoque là que des grandes lignes des grands MST actuels (MST : Monothéisme Sérieusement Traditionaliste, ©Kami). C'est sans compter avec Akhénaton et son soleil qui éclipse tous les autres, les Assyriens et leur dieu national conquérant, Nabonide et son dieu lune qui s'est tout à coup piqué de suprématie, les Sassanides et leur mazdéisme tatillon, et j'en passe et des pas mûres. Il y a eu Josué et l'élection divine de son peuple par le "dieu des armées". Puis il y a eu Constantin et son trois-en-un nouvelle formule, Justinien et son intolérance lourde, la cohorte des papes et des Eglises. Mahomet et Allah, pour la grande fortune des guerriers et des marchands arabes, les guerres saintes, les croisades, les hérésies, les chasses aux sorcières et franchement, est-ce qu'il faut continuer l'énumération?

Tout ça pour qu'au final, le monothéisme ce soit juste une belle entourloupe. Il n'y a pas un, mais des dieux uniques. Leur problème? C'est qu'ils sont uniques, justement. Ils sont tous seuls. Les pauvres. On dira bien qu'en fait il s'agit d'un seul et même dieu, et que les différences des hommes n'ont rien à voir là-dedans. Mais cela n'explique pas pourquoi ce dieu s'oppose sans cesse à lui-même, dans un remake de schyzophrénie à la Dr. Jekyll et Mr. Hyde. Pourquoi chacun de ces dieux uniques se prétend Vérité ultime. Admettre la différence entre la représentation (d'origine humaine et toujours sujette à caution) et la puissance en elle-même, c'est un premier pas vers l'intelligence. Mais il y a un hic : quel dieu unique prétendument tout-puissant laisserait ses fils, ses serviteurs, ses fidèles, et autres inculpés du pouvoir divin, se planter aussi lourdement? Ou bien, il n'en a rien à carrer et, comme l'ont pensé certains, avec épicurisme, il est un dieu tellement transcendant qu'il n'intervient pas du tout dans les choses, n'a pas maille à partir avec le monde. Genre, il s'est cassé à créer le monde pendant une semaine et il ne s'est pas réveillé depuis son dimanche de congé. Dans ce cas, théisme ou athéisme, on s'en fout qu'est-ce que ça change?

"Et Dieu vit qu'il avait fait une connerie..."

Précisément : qu'est-ce que ça change? Les dieux, de toute façon, sont des puissances, et leur représentation n'a d'importance que pour les hommes qui cherchent à comprendre et aborder ces puissances. Du reste, croire en elles ou pas n'a aucun soupçon d'importance, et je pense que si on arrêtait de croire en un dieu, ce ne serait pas ça qui précipiterait le monde dans le chaos. Il tournait déjà très bien sans qu'on vienne s'imaginer qu'il faille nourrir les dieux de nos moutons et de nos prières. Et c'est un païen qui vous parle.

Ne pas parler d'une chose ne prive pas cette chose d'une existence. Romeo, s'il portait un autre nom, serait toujours Romeo, et Juliette l'aimerait pour ce qu'il est et non parce qu'il est du clan Capulet ou du clan Montaigu. De même, la représentation d'un dieu peut changer, la puissance qu'il est ne change guère. La foudre reste la foudre, qu'elle soit maniée par Zeus, Taranis ou Percy Jackson. Et en ce qui concerne la morale, c'est une affaire d'hommes, entre hommes, les dieux n'influent guère là-dedans hormis lorsqu'il s'agit d'incarner une idée abstraite qui joue son rôle dans la morale humaine. Sinon, encore une fois, la foudre, au même titre que l'Amour, la maladie et la mort, à l'état brut, n'ont pas de morale.

"Il ne convient pas qu'un dieu soit tourmenté à cause d'un homme."
Héra à son fils Héphaïstos - Iliade, XXI.

Le problème c'est que lorsqu'on se soucie plus de l'ordre humain et de la morale qui est supposée le sous-tendre, on éprouve le besoin d'avoir un dieu, au moins un, qui soit le garant de cette morale. Et qui justifierait, du même coups, le sens de l'existence, en projetant au-delà de la mort un jugement du bien et du mal, deux notions qui sont aussi subjectives qu'un pet dans l'eau. On en arrive à l'invention du salut, le fameux pari de l'existence : soit je mise sur le fait qu'il y a un salut et j'y conforme ma vie, soit je ne m'y conforme pas en espérant qu'il n'existe pas. Moi j'fais le second pari, inutile de le dire... Ce qui, étonnement, ne m'empêche pas d'avoir une morale. La différence, c'est que j'en rends compte devant mes pairs, ces espèces d'énergumènes à deux pattes qu'on appelle "humains", et non devant des dieux avec qui la relation ne peut être celle d'un serviteur abruti envers ses maîtres, ni celle d'un pénitent bouffé de culpabilité devant une figure de paternel au pardon aussi prompt qu'il a la main leste.

Tout ça, pour trancher un peu dans le vif en oubliant les détails pourtant importants de l'histoire, conduit au monothéisme. Qu'un peuple ou un groupe d'humains se trouve une divinité qui lui est propre et qu'il choisit d'honorer en particulier, ça je le conçois, d'autant que c'est une logique un peu païenne... Jusqu'à ce qu'on dise que ce dieu est la seule et unique véritable puissance universelle, en vrai, j'vous ferais dire... Là j'commence à trouver ça insultant. Genre : vous êtes tous des cons, c'est notre dieu qui est le bon. A quel moment on a posé la question de savoir si dans tout le bordel des panthéons du monde humain il y avait une seule bonne réponse (ouais, à part 42), ça ça restera toujours un mystère pour moi. Je crois qu'on a surtout voulu imposer une réponse à qui ne s'était jamais posé la question et que les autres ont répondu "ah ouais, c'est pas faux..."
De fil en aiguille, chacun tire la couverture à soi : mon dieu est le bon, non c'est le miens, non le miens... puis : "Il n'y a qu'un seul Dieu et c'est moi qui le connaît le mieux". Alors là, le mec en robe, en face, il prend son bouquin et il t'en colle un coup de la reliure dans l'oeil. C'est le début de la guerre sainte. Parce qu'une guerre ça peut être saint (sisi). Moi j'ai jamais trouvé ça très hygiénique, pareil que les confessionnaux, mais après tout, je n'ai jamais mis les pieds dans l'une ou l'autre.

"Ils ont oublié de mettre du PQ..."
Confessionnal au presbytère de Tastavy.

Bref, le monothéisme c'est la grande réponse à une grande question que personne n'a jamais posée, mais qui a su s'accorder très bien avec toutes les justifications "morales" des petites affaires humaines. Comme l'humain est diverse et se fait des représentations diverses, des morales diverses et des affaires diverses, les dieux uniques (ou le dieu unique, si vous voulez) sont plus multiples qu'universels.

Chacun ses dieux et les hippopotames seront bien gardés...

Ils sont par contre tous d'accord sur un point : les bouseux (en latin : pagani, païens) qui ont des panoplies complètes de dieux, tous d'emblée divers, variés, partout, tout le temps, pour tout et même pour rien, comme un grand magasin où l'homme pousse le cadi de sa religion et se sert aux rayonnages des panthéons avant d'aller à la caisse payer en offrandes, tous ces bouseux donc, sont des crétins primitifs. Moi, j'ai tendance à penser de prime abord qu'entre le type lambda qui pousse son chariot et se paye pleins de livres différents et le personnage chi-rho qui se sert d'un seul bouquin pour taper sur les autres, le crétin primitif n'est pas toujours celui qu'on croit... Mais là encore, ce n'est qu'une question de point de vue. C'est subjectif (avec le pet dans l'eau et tout ça).
Pourtant, les bouseux polythéistes ont un point commun. Ils ont plus ou moins conscience de la diversité et l'ont plus ou moins acceptée de naissance. Ils ont plus ou moins conscience du choix, de la pluralité, de la différence. Ils sont d'accord pour dire que leurs représentations divergentes des divinités n'influent pas vraiment sur la réalité de celles-ci. Que tout ça n'est qu'humanisé, anthropisé pour être plus facilement abordable, qu'au fond la foudre, portée par Zeus ou Taranis, elle est toujours la foudre et vaut mieux pas traîner dans l'quartier quand on voit le flash de l'appareil. Le païen a une connaissance empirique de la divinité, il n'attend pas qu'on la lui révèle, du moins le païen d'aujourd'hui. Croire ou non, c'est une fausse question. La question c'est "comment on se représente les dieux?". Et on va faire son marché. Mais chaque choix est une chose en propre, particulière, individuelle, qui n'engage que le païen lambda et non tout l'univers. Et sur le plan de la morale, on voit ça avec les autres humanoïdes. Après, l'unité de toute cette diversité apparaîtra, et on pourra dire que les dieux sont légions, mais qu'ils sont plus unis que les dieux uniques eux-mêmes.

PS : Je parle là de manière un peu simpliste et un peu trop personnelle. Mais merde, j'ai l'droit, c'est mon blog. N'empêche, si ça peut vous donner matière à cogiter, c'est perfectissime.


"Et le royal archer Apollôn lui répondit :

- Poseidaôn qui ébranles la terre, tu me nommerais insensé, si je combattais contre toi pour les hommes misérables qui verdissent un jour semblables aux feuilles, et qui mangent les fruits de la terre, et qui se flétrissent et meurent bientôt. Ne combattons point, et laissons-les lutter entre eux. "
Iliade, XXI