mardi 22 septembre 2009

Le bon mabon...

Nan mais j'devrais pas dire "Mabon", ça sent le wiccan. Oh puis merde, le conseil suprême des Gentils va pas m'excommunier. D't'façon, j'l'enturbanne, le monde "hellénique" de maintenant, avec ses collections de phallus. Pi, j'ai des amis wiccans, et d'autres pas wiccans qui aiment bien Mabon.
Parce que Mabon ch'est bon. Mais ch'est chaud.

Je fête donc un Mabon à la sauce grecque, gréco-phrygienne même, 'fin, vous m'connaissez. Ou pas. C'pas grave, z'êtes pas obligés de me connaître. Retenez juste que pour moi, l'équinoxe d'automne c'est le début de l'hiver, le début de l'année scolaire, le début des grippes et autres frilosités. C'est la mort de Perséphone et le moment où Telebinu sent qu'il s'endort.

Mais c'est aussi la cueillette des mûres.

Comme dirait ma tantine, "c'est pas l'homme qui prend la mûre, c'est la mûre qui prend l'homme". Tatatatin!!! Moi la mûre je l'ai prise ce week end. Bon, c'est quoi la symbolique de Mabon? Ah oui, la cueillette des fruits de l'année. Oui belle cueillette en vérité. D'abord, j'ai enfin récolté les fruits de mon travail, enfin, pour de bon. Beaux fruits, bien murs, bien juteux. Même si j'dois encore attendre qu'on en tire le bon vin (diplôme en attente de préparation, ben voui, ça prend quatre semaines à s'faire un diplôme, ils doivent sans doute le fondre en platine et le décorer avec des lauriers en papier mâché par des enfants du Bengladesh, avant de le bénir à la pleine lune... passons).
Cueillette des mûres aussi, les vraies, celles qui poussent dans les haies du bocage normand, celles qui se méritent à coup de tatane dans les ortils, celles que gardent les abeilles et les araignées, celles qui encrent de mauve les doigts avides de l'homme renouant avec l'instinct de ses ancêtres chasseurs-cueilleurs de la toundra. De quoi ravire le faune qui est en moi, cette créature qui se jouit dessus rien qu'à sentir la bouse de vache et l'herbe fraîche, au point d'oublier que le temps passe et que bien des choses trépassent. Toutefois, là aussi (bons dieux que j'aiment les parallèles - pas les barres, hein, les effets de style que la vie elle-même déploie malgré nous) là aussi donc, la cueillette est faite, mais la confiture doit encore attendre.

J'ai plutôt droit à quelques déconfitures... Parce que bon, on fait la cueillette des fruits de l'année, c'est l'occasion aussi de voir ce qu'on peut en retenir de cette année, avant que Samhain n'entame la suivante. Ben c'est pas jouasse.
Ah! qu'on peut faire de beaux parallèles là aussi... Divine Hécate! il est vrai qu'aujourd'hui (le premier qui me remarque que c'était hier Mabon, je l'écartèle en place publique pour qu'il comprenne que moi, j'ai à peine réussi à m'en rendre compte, étant à la fois dépassé par les événements et confronté aux premiers frimas de l'automne naissant)... aujourd'hui est le passage de Perséphone, la jeune fille de dame Déméter des champs, dans l'autre monde, celui de son époux Hadès, monde de l'invisible où Hermès l'entraîne, comme il entraîne les âmes défuntes... C'est donc un mariage endeuillé qui se célèbre, alors même que les morveux rentrent à l'école et que les bouseux enfoncent le sol à coup de labours et semailles. Les arbres s'endorment dans un hivernage que le dieu Telebinu accompagne, et j'dois dire que j'dormirais volontiers, si ce n'était la crainte de basculer entièrement dans le domaine du rêve, qui est au fond le même que celui rejoint par Perséphone.

Celle que, en bon orphique, je considère comme la mère de Dionysos, n'est pas la seule dont je puisse porter le deuil. Alors que sa mère la pleure, moi je me lamente sur ceux que j'ai perdu déjà, ceux que je ne connaîtrai plus ou pas. Et alors que j'enterre la déesse, je sais que la mort est encore à venir, qu'Hermès, mon ami, en conduira d'autres encore. Mais je cueille, inlassable, désirant comme Telebinu succomber à la rage que ce monde m'inspire parfois et m'endormir pour toujours, dans ces ronces qui m'enlacent et me piègent, prisonnier envoûté de deux mondes qui luttent pour s'entendre.
Tel un faune, je me courbe sous les branches du cornouiller féérique, là, près du petit peuple, et ramasse ses fruits tombés sur la terre humide, où tout repart pour en revenir. Je m'approche encore de l'autre monde, ce chez moi qui m'accueille et m'enveloppe, me prend dans ses bras de déesse et me caresse, enfant cornu qui s'endort, pays du rêve où les fées tissent un destin en lequel je ne crois pas. L'occident, jardin et porte, s'empourpre et se dore, s'ouvre à moi et à mes aspirations les plus folles. J'ai goûté à une pomme volée, dans un jardin qui ne m'appartenait pas. Fils d'Hermès, j'ai comme lui détourné le rite et le mythe, volé l'objet d'une propriété, et comme l'homme que je suis, animal et dieu à la fois, j'ai mordu dans un fruit qu'on me défendait. Défi puéril ou symbole incontrôlé? Je ne saurais dire. A l'orée de l'occident automnal et vêpré, j'ai pris le risque de sombrer dans l'ambre de ce monde divin par la magie d'un acte déraisonné. La folie d'une transe veloutée m'a pris, délice de volupté, et la métamorphose s'est accentuée. Les battements de mon coeur ont fait décupler le tambour de mes peurs. Dionysos aux fruits pourprés m'embrase de son extase mystique, Hermès verse sur moi la rosée du sommeil ensorcellé et comme la nouvelle reine des enfers je mets le pied sur le territoire de l'invisible. Mon esprit danse et s'essoufle dans l'enthousiasme des heures endiablées.

Par ces mots j'appelle Liber et Libera, qu'ils bénissent les liens consacrés, qu'Hermès me guide dans cette nouvelle année et que tous ceux que j'aiment soient, par la seule magie de cet amour, protégés des maux de la saison, pour que de la terre et de la communauté, renaissent la puissance d'une vie qui jamais ne s'oublie.

vendredi 11 septembre 2009

Faunerie


Petite histoire des égypans, faunes, satyres et autres chèvre-pieds…

Un égypan : kézako ? C’est une créature mi-homme, mi-animal, la plupart du temps dotée de pieds et d’oreilles de chèvre. La racine grecque aegy- désigne la chèvre, celle dont la peau recouvre « l’égide » (bouclier divin). On peut considérer le dieu Pan comme un égypan, mais aussi les satyres et les chèvre-pieds, bien que les premiers, comme vos yeux ébahis vont le voir, soient en réalité mi-hommes, mi-chevaux. Le Capricorne est un égypan : dans la mythologie mésopotamienne, il s’agit d’une créature mi-chèvre, mi-poisson ; dans la mythologie grecque, il s’agit de la chèvre Amalthée, une nymphe qui nourrit l’enfant Zeus de son lait divin. D’emblée, il faut admettre que l’élément caprin, fondamental pour l’ensemble des égypans, n’est pas absolu. Et puis, tous les capridés ne sont pas forcément des égypans, et d’ailleurs, que penser de la chimère, une créature ignivome mi-chèvre, mi-lion, mi-dragon? On met peu en avant aujourd’hui la trombine de chèvre de cette bébête, pourtant, étymologiquement, la «khimaira » est une chèvre. Cet animal est quand même plus important pour les peuples des montagnes de Grèce ou d’Asie mineure, qui ont les premiers fricoté avec ces étranges créatures.

Que dire du satyre alors, que l’on voit tant aujourd’hui déguisé en bouquetin ? La première référence aux satyres est faite dans un poème grec du VIe siècle av. J.-C., le Catalogue des femmes, où cinq filles nées d’une certaine Phoroneus engendrent les Courètes (démons ou guerriers phrygiens proches de la Mère des dieux), les Nymphes des montagnes (les Oréades, de grandes chasseuses un peu prudes) et les Satyres, qualifiés seulement de «bons à rien ». La première image est du VIe siècle aussi, notamment sur le célèbre Vase François, cratère grec trouvé en terre étrusque (donc en Italie, notez déjà l’expansion de ce petit monde autour de la Mer intérieure) : trois hommes aux oreilles, guiboles et queues de chevaux sont appelés silènes. Sur une autre céramique, on rencontre un dénommé «Satyros» avec une queue de cheval au-dessus du fessier. Les satyres sont donc plus proches du cheval que de la biquette. En même temps, ils tournicotent de plus en plus autour de Dionysos. A l’époque classique grecque, ils ont une apparence de plus en plus humaine, et des drames satyriques mettent en scène ces personnages plutôt comiques, burlesques. Dans le Cyclope d’Euripide et les Limiers de Sophocle, le chœur des satyres est dirigé par Silène, qui est considéré comme leur père. Ce rondouillard est lui-même un satyre, incarnation de l’ivresse et grand compagnon de Dionysos, né comme lui à Nysa, et son père adoptif en quelque sorte. On le dit tantôt fils d’Hermès, tantôt fils de Pan, ce qui ne change pas grand-chose puisque Pan est également fils d’Hermès.

Mais voilà, dès l’Antiquité, les satyres ont été de plus en plus rapprochés des faunes italiotes. Là, le dieu caprin Pan trouve un proche auquel être assimilé : Faunus. Celui-ci est un dieu romain des troupeaux, père des faunes. Dieux joyeux et rustiques, plutôt attirés par les espaces agricoles que par la forêt sauvage, on les entend parfois murmurer dans les bosquets sacrés. Demi-dieux, non immortels, ils se sont vu dédier le pin et l’olivier sauvage. Leur père, Faunus, troisième roi mythique de l’Italie, descendant plus ou moins direct de Saturne (le dieu de l’âge d’or), est appelé Lupercus et vénéré aux Lupercales (actuelle Saint-Valentin) en tant que protecteur des troupeaux contre les loups et dieu de la fécondité ; Incubis, comme dieu des cauchemars ; et Fatuus en tant que prophète.

Les faunes des campagnes ne doivent pas être confondus avec leurs cousins les sylvains, créatures des forêts profondes et des vergers en fleurs. Leur père Sylvanus est un génie des forêts. Lui-même descend probablement de Faunus, ce qui explique l’étroite relation entre sylvains et faunes, que l’on oppose d’autant moins qu’il s’agit toujours de créatures mi-hommes, mi-boucs. Les chrétiens appelleront tout ce monde-là les « incubes », dérivé de l’Incubis des cauchemars. On les accuse alors de violenter les jeunes femmes pour qu’elles engendrent des démons (ce qu’ils sont, même si le christianisme donne à ce mot un sens péjoratif).

Aujourd’hui, alors que faunes, sylvains et satyres se sont mélangés, survivant tant bien que mal, on connaît dans différents pays d’Europe des « chèvre-pieds » qui hantent les campagnes, bénissant les récoltes ou les troupeaux des paysans et portant des noms et des attitudes aussi diverses que les régions où ils habitent. Citons le « Chèvre Blanche » français, l’Urisk écossais, le Kornböcke allemand, le Lysgulbar suédois, le Pilwiz bavarois, le Julbuck scandinave, le Blanc Moussî de Belgique, le Catez yougoslave ou le Pavaro d’Italie. Une preuve que les « fils d’Hermès » sont encore une population fantastique qui mérite beaucoup d’intérêt pour le « magizoologue ».

jeudi 10 septembre 2009

Coup d'oeil sur les news...

Des fois, je ne peux m'empêcher de rejouer les rédacteurs en chef. Voire les détracteurs en chef, mais pour ça, je suis plutôt mou du fessier en ce moment. Quoique...

Aujourd'hui, me suis levé pour rien. 'Fin, pas complètement, j'ai du taf, le chaudron déborde même, mais à la base, me suis levé pour traverser Paris, m'inscrire, et donc me casser le pétard devant un péteux qui m'annonce que les inscriptions sont bloquées pour l'Agrég. et qu'on ne sait pas pourquoi... Vais vous dire : parce qu'on ne sait pas sur quel pied danser, que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche, ou plutôt de la Recherche d'un enseignement supérieur, comprenez plus rentable sur le marché économique de la connaissance quantifiée, ce ministère là, dans sa tourmente budgétaire et européenne ne sait pas comment bluffer son monde.

Bref... me suis réveillé pour me prendre un suppositoire. Pas plus pour le beau temps, vu que le dieu des météorologues a chopé H1N1 dans un nuage.

Juste debout pour m'accrocher à mon café et à mon ordi, en méditant sur ce monde pandémique et son histoire en beurre-salami.

Aux news, ce matin : des inondations à Constantinople, de la paix entre les religions, de l'uranium en Perse, l'Apocalypse au pays des Aztèques, du pitoyable à la rose dans la politique franque, et le coming out du porno.

Juste un catch de quelques infos dans tout le blabla international et national, mais de quoi mettre du sel dans le qahvè.

Alors que les religions du monde méditaient sur la guerre et la paix, entendant qu'aucune religion ne devrait servir d'excuse à la guerre et au crime - la belle affaire - , un pasteur mexicain s'est pris la lumière divine de plein fouet, a détourné un avion pour lui faire faire sept fois le tour d'un aéroport dans le but de conjurer le sort qui s'abattrait sur le Mexique sous forme de tremblement de terre. Remarquez, hier était le jour de l'Apocalypse : 9/09/09, 666 quand vous êtes saoûl et que vous lisez la date à l'envers.
Pendant ce temps-là, c'est la Turquie qui prenait la sauce. Il aurait dû faire le tour de l'aéroport Atatürk avec son planeur le pasteur, au pire il aurait été foudroyé, au mieux les rabbins l'auraient embauché pour circonsurvoler Israël. 31 morts stambouliotes, quand même... ça me fait un petit pincement au coeur, alors que les magouilles et contre-magouilles de la guerre des roses, au PS, me font juste l'effet d'une cours de récrée. C'est la rentrée, c'est normal. Si encore ils se distribuaient des fions à coup de gourdin, ce serait marrant. Ca aurait la classe d'une conjuration de Catilina et la Turquie pourrait payer son droit d'entrée dans l'Europe en nous refilant de la flotte pour éponger le sang - à défaut d'éponger la dette...
Remarque, c'est bien d'économiser l'eau, pour le jour où Barack retirera sa main et que l'uranium iranien se sera enrichi. Parce que si les Amerlock se pressent le citron à réformer leur système de santé et si notre gouvernement pompe sur le carbone, l'uranium, lui, fait fortune. On aura sans doute besoin de réunir à nouveau toutes les religions pour garantir la paix, version "contre-croisade", de tous les rabbins et pasteurs volants gonflés à l'énergie divine et de toute la flotte du réchauffement climatique quand les cinglés de Téhéran pourront s'éclater.

Et de la positive attitude. Raff', reviens! non j'déconne...

Y a au moins une bonne nouvelle : le porno est officiellement bien vu des Franchouillards, qui le disent plus. Le must étant de le mater en couple. Et Arielle Dombasle à Canal va nous en réaliser quelques uns, parce que, rendez-compte, le marché féminin reste à satisfaire, maintenant qu'il est conquis. Moi j'dis, voilà la solution à tous nos problèmes! J'propose qu'on fasse un porno sur l'actualité : une bonne part d'érotisme devrait rapprocher Royal et Aubry, un peu de fesse permettrait à Ahmadinedjad de s'éclater sans pécho l'uranium, des bisous mouillés réchaufferaient les Turcs un peu refroidis, une 'tite pipe pour les pasteurs dans les chiottes des avions résoudrait leur besoin de s'envoyer en l'air, et un peu d'amour réunirait les religions sur le problème crucial de la paix.

Mais ce n'est qu'un avis personnel. Le monde est en perpétuelle métamorphose, lui faut de l'Aphrodite.

mercredi 9 septembre 2009

Métaphormose

Ou la métaphore en métamorphose… parole de métamorphe !

La méta… Sans doute une discipline des plus complexes à aborder dans tout le panel de sciences-arts plus ou moins occultes qui s’engrangent dans la boîte de Pandore qu’on appelle la magie. Et pourtant, la métamorphose est une chose merveilleuse quand on la brosse dans le sens du poil. Il faut savoir la prendre, c’est comme tout, ça ne s’aborde avec le dos de la cuillère et surtout pas en lui balançant le menhir à la figure…

J’m’explique.

Soit la métamorphose est un pur procédé imaginaire planté dans les cellules grisâtres d’auteurs qui depuis des millénaires s’échineraient gratuitement à nous montrer des dieux prenant des formes variées au gré de leurs caprices, des druides ou des chamans qui se moulent dans des apparences trompeuses ou des apprentis sorciers qui apprennent à changer un scarabée en bouton ou à faire disparaître des objets… On peut alors multiplier les théories explicatives au fil des pensées fantaisistes, là en faisant valoir la toute-puissance du surnaturel par rapport à la forme, ici en développant l’explication par le néant et un va-et-vient entre « être » et « non-être »…

Soit la métamorphose existe et est une chose si complexe qu’on ne peut l’apprendre ou la maîtriser sans danger. L’homme peut changer de forme, mais lorsqu’il le fait consciemment envers et contre les règles élémentaires de la nature, il prend le risque de se détruire, voire de détruire celle dont il outrepasse la tangible réalité. Ceux-là risquent bien de s’y perdre, en effet.

Ceux qui s’arrêtent à la première vision des choses sont sans aucun doute plus nombreux que les suivants, eux qui pourraient croire en la métamorphose telle qu’elle est décrite dans les mythes ou les récits imaginés. Ces derniers – je n’en connais aucun de vivant, donc j’attaque sans crainte – sont des ramollis de la mandragore, des fioles vides, des… bref, désespérants, mais on peut les sauver !

Les autres, ceux qui ont la sagesse cartésienne et même tout simplement la raison raisonnante et bien pensante des Grecs et de Thomas l’apôtre, savent que rien de tout cela n’existe dans le monde réel, et qu’il faut au contraire voir dans les récits de métamorphose des allégories, des restes de pensée « primitive » que la raison raisonnante susmentionnée a su reléguée à l’étagère décorative de la littérature et du mythe. Bien, bien, on est dans le droit chemin, celui de la lucidité. Mais c’est dommage de s’arrêter là.

La métamorphose, dans tous les cas, même lorsqu’on verse dans la science-fiction (ah ! les Animorphes et leurs centaures extra-terrestres au pelage bleu, au torse musclé et à la queue… tranchante) relève des mêmes principes que la magie, et sans doute en est-elle, comme l’a senti J. K. Rowling mais aussi, bien avant elle, Apulée dans ses Métamorphoses d’âne d’or. Et si ce-dernier définissait la magie comme « la science de la piété des dieux », on a beaucoup de mal aujourd’hui à définir vraiment ce qu’est la magie. Une énergie ? Non, cela n’est compris comme tel que dans quelques ouvrages de fantasy. Une pratique ? Un ensemble de pratiques ? Oui, assurément.

Religieuses, les pratiques ? Un peu, vu la tronche qu’ont les invocateurs de divinités et les sacrificateurs d’hosties (lisez Boucher, qui ne s’en sort pas de ce paradoxe : la magie n’est pas une religion, mais elle y puise toute l’eau de sa potion !). Un discours religieux sous-tend la magie, et c’est un discours religieux qui, à l’origine, utilise la métamorphose pour donner des apparences aux dieux et traduire des croyances en la métempsychose chez les uns (les druides) ou la nature du Christ chez les autres (doctrine de la Transfiguration). Mais la magie n’est pas une religion. D’ailleurs, la « piété des dieux » d’Apulée n’en est pas une non plus, et le concept de religion est lui-même une construction un peu bancale (or, n’est-il pas fou l’homme qui construit sa maison sur le sable ? J’taquine…).

La magie est-elle une philosophie ? Certes, les multiples pentacles pythagoriciens qui fleurissent sur les autels wiccans gardent une trace de la passation de connaissances et de concepts philosophiques entre les « religions » antiques et la magie actuelle, passation que de nombreuses générations d’érudits qu’on a dit « philosophes », pétris de néo-platonisme, ont favorisée en intégrant la magie au cœur de la « philosophie ». Mais là encore, ce terme ne saurait définir à lui-seul la magie. Elle est philosophie et religion, mais en même temps elle annule ces catégories de la culture intellectuelle.

De même qu’elle absorbe et annule les sciences et les arts : grand Art par-ci, Sciences occultes par-là ; la magie puise, et doit puiser – ce qu’elle ne fait pas assez, loin de là – aux données de la science, qui doivent équilibrer celles de la théologie et de la métaphysique, et aux formes d’expression de l’art, art manuel de l’artisan qui fabrique ses propres outils, ou art des Muses, qui donne une voix au mage ou au sorcier. La magie est théologie, science, philosophie et art.

La métamorphose est, de la même manière, un discours (théologique ?), un fait scientifique (et la biologie du développement ? Les roches métamorphiques, les métamorphoses zoologiques… ? C’est du boudin ?), un outil philosophique (pratique de la métaphore, de l’allégorie, oh ! allégorie, principe à la source de toute pensée magique ! – sans parler de Platon et de sa théorie des Idées), et une technique artistique (de la danse au théâtre, en passant par les textes littéraires auxquels l’esprit commun tend à limiter toute évocation de la métamorphose qu’il ne fait que survoler d’un cil). Et toutes ces choses possèdent des liens entre elles. D’où vient le théâtre, avec ses jeux de masques et ses costumes, sinon d’un discours religieux autour d’un dieu dont les multiples métamorphoses ont fait la fortune, Dionysos ? Et ce Dionysos n’incarne-t-il pas, de manière allégorique, dans ce monde des Idées que Platon place en parallèle de l’univers des images, des apparences, n’incarne-t-il pas, dis-je, les métamorphoses animales et végétales auxquelles l’homme, « primitif » - pardon « premier » - puis scientifique, est sans cesse confronté, jusqu’en lui-même ? La métamorphose est une chose qui se découvre, s’étudie, s’applique dans une magie à part entière. Que l’on vogue entre les furry et les chrysalides, on la croise et la recroise, on la pratique même sans le savoir, mais surtout, on peut y trouver un moyen de vivre, ne pas la subir comme une Circée ou comme la malédiction du lycanthrope, mais la dompter, comme Ulysse, comme Protée… comme une flamme changeante.