mercredi 9 septembre 2009

Métaphormose

Ou la métaphore en métamorphose… parole de métamorphe !

La méta… Sans doute une discipline des plus complexes à aborder dans tout le panel de sciences-arts plus ou moins occultes qui s’engrangent dans la boîte de Pandore qu’on appelle la magie. Et pourtant, la métamorphose est une chose merveilleuse quand on la brosse dans le sens du poil. Il faut savoir la prendre, c’est comme tout, ça ne s’aborde avec le dos de la cuillère et surtout pas en lui balançant le menhir à la figure…

J’m’explique.

Soit la métamorphose est un pur procédé imaginaire planté dans les cellules grisâtres d’auteurs qui depuis des millénaires s’échineraient gratuitement à nous montrer des dieux prenant des formes variées au gré de leurs caprices, des druides ou des chamans qui se moulent dans des apparences trompeuses ou des apprentis sorciers qui apprennent à changer un scarabée en bouton ou à faire disparaître des objets… On peut alors multiplier les théories explicatives au fil des pensées fantaisistes, là en faisant valoir la toute-puissance du surnaturel par rapport à la forme, ici en développant l’explication par le néant et un va-et-vient entre « être » et « non-être »…

Soit la métamorphose existe et est une chose si complexe qu’on ne peut l’apprendre ou la maîtriser sans danger. L’homme peut changer de forme, mais lorsqu’il le fait consciemment envers et contre les règles élémentaires de la nature, il prend le risque de se détruire, voire de détruire celle dont il outrepasse la tangible réalité. Ceux-là risquent bien de s’y perdre, en effet.

Ceux qui s’arrêtent à la première vision des choses sont sans aucun doute plus nombreux que les suivants, eux qui pourraient croire en la métamorphose telle qu’elle est décrite dans les mythes ou les récits imaginés. Ces derniers – je n’en connais aucun de vivant, donc j’attaque sans crainte – sont des ramollis de la mandragore, des fioles vides, des… bref, désespérants, mais on peut les sauver !

Les autres, ceux qui ont la sagesse cartésienne et même tout simplement la raison raisonnante et bien pensante des Grecs et de Thomas l’apôtre, savent que rien de tout cela n’existe dans le monde réel, et qu’il faut au contraire voir dans les récits de métamorphose des allégories, des restes de pensée « primitive » que la raison raisonnante susmentionnée a su reléguée à l’étagère décorative de la littérature et du mythe. Bien, bien, on est dans le droit chemin, celui de la lucidité. Mais c’est dommage de s’arrêter là.

La métamorphose, dans tous les cas, même lorsqu’on verse dans la science-fiction (ah ! les Animorphes et leurs centaures extra-terrestres au pelage bleu, au torse musclé et à la queue… tranchante) relève des mêmes principes que la magie, et sans doute en est-elle, comme l’a senti J. K. Rowling mais aussi, bien avant elle, Apulée dans ses Métamorphoses d’âne d’or. Et si ce-dernier définissait la magie comme « la science de la piété des dieux », on a beaucoup de mal aujourd’hui à définir vraiment ce qu’est la magie. Une énergie ? Non, cela n’est compris comme tel que dans quelques ouvrages de fantasy. Une pratique ? Un ensemble de pratiques ? Oui, assurément.

Religieuses, les pratiques ? Un peu, vu la tronche qu’ont les invocateurs de divinités et les sacrificateurs d’hosties (lisez Boucher, qui ne s’en sort pas de ce paradoxe : la magie n’est pas une religion, mais elle y puise toute l’eau de sa potion !). Un discours religieux sous-tend la magie, et c’est un discours religieux qui, à l’origine, utilise la métamorphose pour donner des apparences aux dieux et traduire des croyances en la métempsychose chez les uns (les druides) ou la nature du Christ chez les autres (doctrine de la Transfiguration). Mais la magie n’est pas une religion. D’ailleurs, la « piété des dieux » d’Apulée n’en est pas une non plus, et le concept de religion est lui-même une construction un peu bancale (or, n’est-il pas fou l’homme qui construit sa maison sur le sable ? J’taquine…).

La magie est-elle une philosophie ? Certes, les multiples pentacles pythagoriciens qui fleurissent sur les autels wiccans gardent une trace de la passation de connaissances et de concepts philosophiques entre les « religions » antiques et la magie actuelle, passation que de nombreuses générations d’érudits qu’on a dit « philosophes », pétris de néo-platonisme, ont favorisée en intégrant la magie au cœur de la « philosophie ». Mais là encore, ce terme ne saurait définir à lui-seul la magie. Elle est philosophie et religion, mais en même temps elle annule ces catégories de la culture intellectuelle.

De même qu’elle absorbe et annule les sciences et les arts : grand Art par-ci, Sciences occultes par-là ; la magie puise, et doit puiser – ce qu’elle ne fait pas assez, loin de là – aux données de la science, qui doivent équilibrer celles de la théologie et de la métaphysique, et aux formes d’expression de l’art, art manuel de l’artisan qui fabrique ses propres outils, ou art des Muses, qui donne une voix au mage ou au sorcier. La magie est théologie, science, philosophie et art.

La métamorphose est, de la même manière, un discours (théologique ?), un fait scientifique (et la biologie du développement ? Les roches métamorphiques, les métamorphoses zoologiques… ? C’est du boudin ?), un outil philosophique (pratique de la métaphore, de l’allégorie, oh ! allégorie, principe à la source de toute pensée magique ! – sans parler de Platon et de sa théorie des Idées), et une technique artistique (de la danse au théâtre, en passant par les textes littéraires auxquels l’esprit commun tend à limiter toute évocation de la métamorphose qu’il ne fait que survoler d’un cil). Et toutes ces choses possèdent des liens entre elles. D’où vient le théâtre, avec ses jeux de masques et ses costumes, sinon d’un discours religieux autour d’un dieu dont les multiples métamorphoses ont fait la fortune, Dionysos ? Et ce Dionysos n’incarne-t-il pas, de manière allégorique, dans ce monde des Idées que Platon place en parallèle de l’univers des images, des apparences, n’incarne-t-il pas, dis-je, les métamorphoses animales et végétales auxquelles l’homme, « primitif » - pardon « premier » - puis scientifique, est sans cesse confronté, jusqu’en lui-même ? La métamorphose est une chose qui se découvre, s’étudie, s’applique dans une magie à part entière. Que l’on vogue entre les furry et les chrysalides, on la croise et la recroise, on la pratique même sans le savoir, mais surtout, on peut y trouver un moyen de vivre, ne pas la subir comme une Circée ou comme la malédiction du lycanthrope, mais la dompter, comme Ulysse, comme Protée… comme une flamme changeante.

2 commentaires:

Funnyloves a dit…

(Après un peu de temps pour lire cet article plus ancien)

Très très intéressant. J'ai aussi l'impression que ton style d'écriture a changé, non, ou bien que tu abordes des sujets différents. C'est le résultat des travaux d'été ?

Tom a dit…

Funnyloooves!!! C'est un vrai plaisir de te relire, ça faisait un petit bout de temps...

Oui oui, les "travaux" sont un peu responsables et j'ai envie d'aborder tellement de sujets différents que ceux-ci risquent de s'entre-croiser... Faudra me dire si ça devient trop complexe à suivre.