jeudi 30 avril 2009

Le Tonnant

Près de la cité de Dorylée, dans le Nord, là tout au nord de la Phrygie, se trouvait une campagne herbeuse, toute à l’élevage des moutons, des chevaux, à la culture du blé et de la vigne. Là, on vénérait un dieu Tonnant, Brontôn en grec, du genre de ces « Dieux de l’Orage » qui dominaient naguère les panthéons anatoliens. Ce sont souvent des dieux des phénomènes atmosphériques, des maîtres régnant en souverains sur le monde des hommes, leur pourvoyant l’abondance… ou pas. Le père du hittite Télébinu n’était-il pas un de ces maîtres de l’Orage, porte-foudre et souverain ?

A l’époque romaine, on vouait encore un culte à Zeus Brontôn dans le Nord de la Phrygie. Et quel culte ! centré visiblement sur la campagne autour de Dorylée (l’actuelle Eskişehir), il s’était un peu répandu, et quelques expatriés et esclaves phrygiens l’ont emmené avec eux à Rome, où il s’est bien entendu avec Jupiter Tonans. Les autels et les stèles qu’on lui a dédié on gardé sur eux la trace de son pouvoir. Zeus Brontôn, sur ces terres battues par les vents, se voyait confier la sauvegarde des hommes, de leurs bêtes, de leurs champs, de leurs vignes… Il est de loin le plus important Zeus de la région, alors qu’il côtoie les Zeus Syrénaos, Thallos et autres souverains dieux.

Le plus intéressant est qu’il veille aussi sur les morts. Une inscription funéraire du bled va se doubler souvent d’un vœu à Zeus Brontôn : « Onèsimos à son épouse très douce en souvenir, et à Zeus Brontôn, en vœu. », lit-on parfois. Est-ce parce que le dieu foudroyant se voit confier la tombe comme un dû ? Est-ce qu’il est le gardien des morts, comme Hécate avec qui il est parfois invoqué. A-t-il maille à partir avec le dionysisme qui pullule dans la région… Est-il aussi ce Zeus Dionysos que l’on croise au détour d’une caillasse… ?

Il n’empêche qu’on a là un indigène bien étrange, le Tonnant, ayant pris un nom plus hellénistique parce que les dieux suivent toujours l’air du temps. L’interpretation graeca, qu’ils appellent ça. Un vieux dieu tutélaire des temps les plus reculés de l’Anatolie pré-perse, subsistant dans les sanctuaires de campagne, gagne un nom grec et une tête barbue toute artistiquement gréco-romaine, mais ça ne le prive pas de réactions phrygiennes bien à lui.

Euchèn…

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