mercredi 22 avril 2009

Les dieux des Highlands...




Des profils de montagnes abruptes, grignotées comme du biscuit, taillées à vif, truffées de tombes et d’anciennes églises troglodytes abandonnées… des vallées fertiles sillonnées par des cours d’eau où pataugent canards et villages d’un autre temps… des forêts de pins sur une terre blanche comme la craie, d’un tuf qui rappelle les candides Arginuses où Alcibiade faillit mourir rôti dans une cabane en bois… Les Hautes Terres de Phrygie apparaissent encore comme ça sur les photos. L’imagination s’emballe à la vision de ces paysages vides et mystérieux, encore éloignés de notre « civilisation occidentale », perdus au milieu de la Turquie (visez le Türkmen Baba qui culmine sur la carte entre Eskişehir et Afyon Karahisar) et encore riches des restes d’une Antiquité si vite oubliée…

Au cours de ses turpitudes parmi les textes anciens et les pierres qu’a raboté la main de l’homme, la rédaction du Grimoire vous propose un petit voyage dans cette contrée, dans un autre temps, à la rencontre de la population locale. Du moins une partie de la population, la plus puissante et en même temps la plus secrète…

Il y a foule de dieux dans le polythéisme. La Phrygie est une des régions de l’Empire romain qui a fourni le plus d’inscriptions sur pierre, que l’épigraphiste d’aujourd’hui en renverse son café d’excitation dès le petit déjeuner. Ces inscriptions sont en grande quantité des inscriptions funéraires (à la mémoire de…) liées à des cultes aux morts, que l’ont logeait dans de véritables tombes-temples. L’homme est un dieu, à sa manière. Mais jamais il n’égale ceux qui sont un et multiple à la fois. Les inscriptions votives à Zeus rempliraient le trou de la Sécu si elles étaient en or. Mais quel Zeus ? Qui est Zeus quand il s’appelle ici Brontôn, là Benneus, ou encore Thallos ? En quoi sont-ils différents ces Zeus ?

Un dieu antique porte à la fois un nom général : Zeus, et un ensemble d’épithètes, ou épiclèses, qui précisent ses contours dans telle situation, tel lieu ou dans telle activité. On en connait des tas. Les Zeus des Highlands se croisent parfois. Mais on hésite encore à définir leurs appellations respectives. Zeus Brontôn (le « Tonnant ») avait son temple au nord des Highlands, dans la campagne de Dorylée (l’actuelle Eskişehir, chef-lieu de province). Il manipule sans doute la foudre, eu égard à son petit nom et à l’aigle porte-foudre qui orne ses dédicaces. La région est connue pour son climat capricieux. Il veille aussi sur les hommes, leurs bestiaux, leur raisin. C’est un dieu multifonctions, on dirait presque un dieu local, au sens où il est du coin. En fait, il s’agit certainement d’un dieu phrygien, un indigène comme on dit parfois, qui s’est hellénisé en changeant de nom. Le Brontôn est le maître de la région. Son succès régional ne s’est pas démenti sous l’Empire, puisqu’on lui dédie même des tombes en offrande votive (particularité très étonnante et plutôt problématique… On ne faisait pas souvent ça dans l’Antiquité.) C’est que les dieux de l’Anatolie étaient généralement les maîtres (despotès, tyrannos, basileus) de la région où s’élevait leur sanctuaire. C’est à ce titre qu’ils rendent justice et défendent leurs droits et possessions. C’est aussi ce qui fait que leur pouvoir est réel, qu’il est visible aux yeux des hommes et que ceux-ci y aient parfois recours, par l’intermédiaire d’un rite simple : l’euchè, la prière votive.

Les nombreuses Mères de tel ou tel village sont ainsi sollicitées de la même manière. De même qu’Hosios et Dikaios, manifestations des qualités divines de Sainteté et de Justice. La plus importante des divinités des Hautes Terres de Phrygie semble être Angdistis, la Mère des Dieux, qu’ailleurs on appelle Cybèle. Divinité phrygienne s’il en est, elle avait un sanctuaire à la « Cité de Midas », au-dessus d’une vallée engorgée dans la montagne, la vallée de Kümbet, où s’éleva autrefois la Métropolis, Cité de la Mère…


L’espace d’un article est peu suffisant pour rendre compte de la population divine dans les Hautes Terres. Les noms ressortent comme les champignons à l’automne, et on s’y perdrait presque. Aussi, la rédaction du Grimoire vous propose-t-elle une série d’articles sur la question. Peut-être parlerons-nous plus tard de ce qu’on appelle la pratique votive, dans le jargon ethnologico-historique… Peut-être des Zeus et Mên et Sabazios qui sont entachés de phrygianisme. De Cybèle, la Mère des dieux, née du roc comme tous ces monuments que la prétention humaine a tirés vers le divin. Ou encore d’Hosios et Dikaios, compagnons du Soleil, qui semblent si étranges. Et que dire de ces dieux auxquels on ne sait pas donner de nom, comme le Cavalier anatolien ? Bref, comme on dit, quand on tient l’audimat là où ça suspens…

Suite au prochain épisode…

2 commentaires:

Funnyloves a dit…

Je remercie toute la rédaction du Grimoire pour ce petit aperçu, et attend avec une impatience non dissimulée la suite...

Tessa Mac Leod a dit…

Par écrit c'est mieux qu'en vrai, on pourra pas interpréter.
Mais pourquoi, POuRqUoI? t'as pas fait ça plus tôt, hein?
Jme maintiens en l'état de suspension de la groupie, comme pour les séries américaines....
On attend la suite pas trop sagement alors, Dr McDreamy!