jeudi 15 octobre 2009

Au nom des dieux

A l’heure où la diplomatie française cherche à comprendre, pour mieux le prendre en compte, l’aspect religieux de certains conflits dans le monde, en créant un « pôle religions » auprès du Ministère des Affaires Etrangères, il se trouve que moi je me (re)plonge dans les affrontements religieux de l’Europe moderne (XVIe-XVIIe siècles). Et, si aujourd’hui on se les pose à propos de conflits en Palestine, Afghanistan ou Kosovo, les questions sont les mêmes qu’il y a quatre ou cinq centaines de tours de soleil… En quoi la guerre peut-elle être religieuse ou comment la religion peut-elle justifier la guerre ? Pourquoi la foi engendre-t-elle la violence, qu’elle soit de paroles ou d’actes des plus cruels ?


Bon, on le sait –‘fin, si vous le saviez pas, c’est le moment de l’apprendre (petit message de propagande païenne) – le conflit religieux était absent dans l’Antiquité païenne. Non pas que le religieux se soit absenté de la guerre, au contraire, mais c’est un fait plus ou moins véridique que la religion n’a pas, par elle-même, poussé à la guerre, l'a à peine justifiée. Pourquoi reprocher à l’étranger de vénérer ses dieux (ou son dieu), puisque ce sont ceux de ses ancêtres ?

On n’ira pas jusqu’à dire que le paganisme d’aujourd’hui n’engendrera pas la guerre, bien qu’il soit impossible d’en juger dans l’état actuel. Ce mouvement n’en est qu’à ses balbutiements d’enfant, tout juste se limite-t-il à des disputes intestines qui tiennent plus du chahut de cour de récré que de la guerre confessionnelle. Les débats spirituels internes au paganisme contemporain sont d’une relativement faible ampleur et restent d’une certaine courtoisie, sans prendre d’autres formes qu’un échange de paroles. Tout au plus, les attaques sont individuelles, elles portent sur les personnes, non sur les différentes formes de « religions » qui, bien qu’objets de critiques les unes envers les autres, ça et là, n’en sont pas moins comprises dans cet ensemble qu’est le paganisme. Cette relative unité du mouvement païen est sans doute la raison de cette acceptation de la différence, chère à mon cœur, car, en revanche, quand le mouvement regarde vers l’extérieur, il se confronte à des monuments d’une ancienneté remarquable, notamment le christianisme tant controversé. Et comme c’est contre lui que se construit en général le paganisme actuel, il lui faut bien préserver inconsciemment cette unité interne. On note ainsi que certaines voix commencent à s’élever pour contester à la wicca son appartenance à l’ensemble païen, parce qu’elle ressemble beaucoup trop à un christianisme féminisé… Sans entrer dans le débat, on comprend bien que le conflit religieux est latent dans le paganisme actuel, du fait même qu’il se construit en opposition.

En cela, il ne peut renier son héritage abrahamique - ce qu'il ne manque pourtant pas de faire. Car, quand est apparue la cause religieuse en matière d’affrontement ? Avec le christianisme. De la même façon, celui-ci a dû se déterminer et se construire en grande partie dans sa différence puis son opposition à d’autres systèmes religieux. Dans sa différence avec le juif, dans son opposition au païen. Construction d’une vera religio, une vérité, toute entière « révélée » et portée vers la recherche du salut. La nécessité de sauver en apportant cette vérité conduit à la « charité » qui est transmission de la « grâce » salutaire, conversion par la parole, puis conversion par le droit, le rite ou les armes… Le djihad recouvre en partie cet aspect des choses, avec le sens propre à la pensée de Muhammad.

Aujourd’hui, le (néo- ???)paganisme est porté à se définir en opposition aux religions abrahamiques, mais pas (encore ?) à la conversion et à l’évangélisation, c’est-à-dire au transport de son « message ». Ce message n’aurait rien de mauvais, je le pense bien sûr. Au contraire, aiderait-t-il à transmettre le respect et l’amour de la nature, et en premier lieu celle de l’homme, la compréhensi

on des forces qui la mettent en mouvement, et à changer les aspects les plus négatifs de cette société polluée par ses propres excès industriels et économiques ? On en est loin, car tous les païens eux-mêmes n’ont pas développé leurs idées d’une façon assez réfléchie. Les appels à la révolution de certains sont bien « nobles », mais sont-ils réalistes ? Ou juste empreints d’un manque de brutalité historique, dont se flattent par exemple les révolutionnaires franchouillards, un peu comme si les générations occidentales de maintenant étaient tels des chiens privés de viande, aux instincts de loups castrés par la cage en or de leur société. La nature animale de l’homme comprend la violence…

Mais voilà comme il est prodigieux que l’on passe d’une réflexion sur la violence religieuse à des problèmes d’ordre social ! En effet, la religion à elle seule pousserait-elle à la violence ? Une lutte, révolution ou guerre, si elle est religieuse, ne pousse pas au prime abord à la guerre, si ? Si, parfois peut-être. Mais elle ne commence pas comme ça. La Réforme a commencé comme une guerre de bouquins, entre universitaires, une guerre de mots. Le djihad aussi a commencé par un bouquin. Ensuite, toujours, les raisons socio-économiques sont les moteurs de l’acte, du geste. Guerre des paysans dans les années 1520, pouvoirs civils contre clergés, lutte du marchand Muhammad contre les élites païennes de La Mecque, puis nécessité croissante de conquête et quête d’identité… identité qui est aussi sociale. Si les païens en viennent un jour à avoir voix au chapitre, il y aura sans doute revendication sociale, bien qu’on répugne encore à mêler nos opinions politiques, du moins ouvertement, à nos idées religieuses.

Ce sera sans doute une revendication écologique, nouveauté du siècle. Là est, je pense, l’originalité du mouvement païen, qui se définit parfois comme l’ensemble des « religions de la terre ». L’avenir dira si les païens sont capables de rester unis dans la tolérance de leurs différences, s’ils sauront abandonner leur puérile crise d’adolescence contre le christianisme paternaliste (complexe d’Œdipe, quand tu nous tiens !! j’aime la Mère et je combats le Père, amen). S’ils sont unis ce sera sans doute autour du sacré de la nature et de la défense d’ycelui… Mais voilà, je fais de l’histoire, pas de la divination. Tirez une carte…

1 commentaire:

Funnyloves a dit…

Un très intéressant article, doublé d'une analyse tout aussi intéressante.