vendredi 8 janvier 2010

Foyer, mon doux foyer!

Aujourd'hui, je vais vous parler d'une grande dame. Vous la connaissez peut-être, bien qu'elle soit très timide. Pourtant, elle mérite qu'on parle d'elle, puisqu'après tout, elle fut longtemps une des plus grandes stars du panthéon.

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Son petit nom, dans la terre des Hellènes, est Hestia. Elle est la fille de Cronos et de Rhéa, donc la grande-soeur de Zeus (lui, vous le connaissez, j'en suis sûr). En réalité, elle est l'aînée de la fratrie, c'est elle qui a eu le privilège d'être engloutie la première par son père, quand celui-ci avait trouvé futé de dévorer tous ses mômes pour être sûr de pas les avoir dans les pattes (c'est qu'un bébé-dieu, quand ça chouine, ça masque le bruit de la télé et même de toutes les télés du quartier). Ainsi, Hestia n'a pas eu une enfance comme les autres. Elle n'a pas connu les couches, n'a pas connu les petits pots, ni les boutons de la puberté. Un jour, elle s'est éveillée, revenue à la lumière dans un vomissement qui devait ressembler à l'explosion d'une géante-naine, consécutif à l'absorption d'une potion pas nette que Zeus, le petit dernier sauvé par maman et retourné contre papa, avait glissé dans l'hydromel du matin. Ca perturbe un peu, mais guère plus qu'une naissance avec claque aux fesses et bain forcé. Cet instant a certainement été magique pour Hestia : imaginez... elle naît (douleurs, sang, claque aux fesses, cordon coupé et bain forcé) puis hop! in the mouse of dady! S'en suit un black out complet de près de deux décennies ('fin, le temps ne se compte pas vraiment chez les dieux, mais faisons comme si). Puis, nouvelle ex-corporation, pratiquement semblable, sauf que là elle a déjà un corps adulte. Imaginez... la jeune déesse, nue comme un papillon dans sa chrysalide, blottie en position foetale dans la marre rouge-noirâtre d'hydromel et d'ambroisie moitié digérés, tremblotant de froid. Puis, la voix qui parle, toute douce... Rhéa, sa mère, qui s'empresse de retrouver l'enfant dont Cronos l'avait privée, qui lui passe un peignoir en pleurant à chaudes larmes et la couvre de baisers...

Voilà pour la naissance de la dame. Elle explique sans doute le traumatisme qui la poursuit, bien qu'on n'en parle jamais. Hestia vit sa fratrie la rejoindre dans des conditions semblables (Hadès, Héra, Déméter, Poseidon + une pierre). Leur mère et Zeus (qui lui avait eu une enfance et une adolescence et pouvait servir de grand-frère, maintenant) s'occupèrent d'eux, pendant que leur père, cet ogre terre-à-terre, rassemblait son armée et tentait de s'opposer à la rébellion qui secouait tout le multivers. Hestia rattrapa le temps perdu au cours de ce long conflit. Sa nature distraite et réservée la faisait rester longtemps à l'arrière, tantôt sous la tente, tantôt à l'abri de la forteresse, où elle apprit à soulager les épuisés, les affamés, tous ceux que les intempéries avaient frigorifiés (Zeus en guerre, ça refroidit). Elle utilisa alors un don bien à elle, qu'elle découvrit certainement à cette occasion : la cuisson. Je devrais plutôt dire la température, la chaleur, celle qui sèche le chat mouillé au coeur de l'hiver, celle qui cuit la soupe pour l'affamé, qui réconforte le désespéré. Elle inventa alors un concept, qui allait avoir du succès : le foyer.

Mais que tient-elle dans sa main? de la violette, fleur des vestales?

Après la guerre, les dieux menés par Zeus s'installèrent sur le mont Olympe, comme chacun sait. Les cyclopes leurs construisirent un palais comme on a plus su en faire depuis et qui doit tenir à la fois de la maison et de la ville, toutes proportions étant annulées dans le plan surnaturel. Là, Hestia trouva un moyen de lancer son concept plein gaz, si j'puis dire, et se fit la gardienne du foyer des Olympiens. Elle cuisine, elle réchauffe, elle réconforte. Les dieux en avaient bien besoin et ils s'en firent une joie. Même que Poséidon, le grand gars baraqué, qu'avait pas encore les cheveux bleus à cette époque-là, se dit qu'il l'épouserait bien la dame du foyer, au cas où il hériterait des mers et serait contraint de vivre éternellement trempé et loin du soleil. Mais Hestia n'avait pas grand intérêt pour la chose, elle était tellement mieux auprès du feu, loin de tout, à l'abri... La pauvre, elle a mal vécu de pas avoir d'enfance et d'être gerbée par son père. C'est une dame gentille, douce par nature, elle a suffisamment souffert...

Feu de l'hôtel et de l'autel...

Zeus l'avait bien compris et il lui garantit que sa virginité serait préservée. Il créa pour elle le poste de déesse du foyer, de tous les foyers et décréta qu'elle pourrait être présente partout chez les hommes, où elle serait la première à être honorée de leurs prières et sacrifices. Car elle est la première née et que sans elle, sans le feu du foyer, la communauté, la famille, la vie n'auraient pas de sens. Poséidon, lui, on le sait, finit dieu de la mer... où le feu n'aurait jamais pu être à l'aise. Hestia vit donc sur l'Olympe, où elle cuit le dîner, où elle chante avec les Heures et les Muses, où elle entretient la chaleur et l'âme du foyer. Chez les hommes, elle prend la forme d'un échange d'électrons en cours de triangulation entre combustibles, comburants et dioxygène. Elle siège dans la cheminée et reste l'âme de la maisonnée. Les peuples pélagiques (Grecs par exemple), lui vouèrent un culte, lui donnant toujours la première part des plats qu'elle cuisait pour eux, dans chaque maison mais aussi chaque cité. Jamais on ne partait s'installer ailleurs et fonder un nouveau foyer ou une nouvelle cité sans l'emporter avec soi.

Hummm! Donne-moi un chocolat chaud et adopte-moi!

Depuis, Hestia a peu fait parler d'elle. Déesse timide, elle a cédé sa place au conseil des douze dieux à Dionysos, car elle préférait rester auprès de son feu, loin de tout souci et de toute misère. Elle refusa la main d'Apollon une fois, mais les people ne parlèrent pas d'elle en dehors de ça. Puis vint un jour où la fée électricité la détrôna dans le coeur des hommes, la reléguant au stade de luxe suprême (la cheminée!!) pour découper les parts de son patrimoine entre le four, le micro-onde, le radiateur et la téloche. C'était comme si on la dévorait une deuxième fois. Hestia se retira donc, aussi discrètement qu'elle avait vécu.

Quand Hestia se lance dans le transport.

Mais peut-être flamboie-t-elle encore dans le coeur de certains hommes, près d'ici, qui ont une âme et qui savent, eux, que l'âme du foyer s'emporte toujours avec soi, que la famille, ou les amis, toute communauté d'homme, a une âme. Et Hestia est toujours prête à réchauffer le coeur de ceux qui lui tendent une main humide de larmes, que partout où il va, l'homme emporte une part du feu sacré qui brûle dans l'âtre de sa cheminée.

Ai piqué ça sur un site internet :
il paraît qu'elle représente Diane et non Hestia,
mais j'la trouve toute mimi, donc, ben... c'est comme ça.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

c'est très bien raconté.

Elle est très importante chez nous cette Dame du foyer. Notre maison est du XVII au moins, elle a subit plusieurs remaniements mais le foyer lui n'a pas bougé.On nous dit de boucher la cheminée, de mettre un insert. NON.
Tu me donnes envie de parler de notre cheminée.

Merci pour le bon moment que j'ai passé à la lecture de ton article.

Carabosse

Funnyloves a dit…

Toujours cette manière aussi enrichissante et originale de raconter les mythes. :-)

Tom a dit…

:)

Carabosse... t'es sûre que tu ne voudrais pas la partager ta cheminée? contre un chocolat chaud?

Anonyme a dit…

Bien raconté cet article. Ne soyons pas pessimiste sur le départ d'Hestia, un bon feu de bois de temps en temps, ça se fait encore ;)