jeudi 7 janvier 2010

Pouvoirs, Eglise, société

"Pouvoirs, Eglise et société dans les royaumes de France, Bourgogne et Germanie de 888 aux environs de 1110", telle est la question au programme de l'agrégation d'histoire depuis 2008. Parmi d'autres, bien sûr, celle-ci ne s'inscrivant que dans l'étude de la période médiévale.

Mon esprit fumeux et fatigué se penchant largement sur cette question (enfin, quand je dis largement, je me comprends), il m'en est venu une autre : "Pouvoirs, Eglise et société en France au XXIe s." mais plus précisément, car c'est mon dada, du point de vue païen.

Ma qu'est-ce que le païen voit-il, dit-il ou fait-il vis à vis de ces trois concepts énergumènes? Quid du païen dans la société? Quid du païen face au pouvoir et face aux religions instituées?

La question me vient suite à la lecture d'un article racontant les difficultés de la religion grecque polythéiste confrontée aujourd'hui à une République et une Eglise orthodoxe qui font corps contre elle, alors même qu'elle se fraye un chemin dans la société. Qu'en est-il encore en France?

Pour être honnête, pas grand chose. Aux yeux de la société, le païen est encore un personnage marginal, inconnu du grand public, sans réel moyen d'expression, sans aucun moyen d'action. De toute façon, toute proposition païenne qui ne ferait qu'émerger d'une réflexion pseudo-commune serait court-circuitée de l'intérieur, tant le monde païen est éclaté, divers, et peu équilibré. Sinon peut-être du point de vue écologique, plus en ce qui concerne la sacralité de la nature, que les païens pourraient le plus défendre et seraient le plus en droit de le faire. Mais tout le monde ou presque se fout de leurs principes théologiques et de leurs divinités. Pardon, je devrais dire de "nos" principes et "des" divinités. Et c'est aussi bien, la société et le pouvoir étant fondamentalement laïcs. Encore que...

Préjugé : "je suis pas sataniste, je suis une chauve-souris"

Il n'y a peut-être que dans l'Art, entendez par là l'image, la littérature, la musique, etc, que les païens peuvent s'exprimer. C'est une culture, avant tout et après tout. Le religieux est à garder, à mon avis, à la discrétion de chacun. Mais peut-être pourrait-on croire et envisager une mise en relation avec l'Eglise? Eh! Qu'ai-je pas dit là?! Ces mécréants, ces obscurantistes dogmatiques, ces destructeurs de temples et ramoneurs de la sorcellerie, ces fanatiques du clou et ces encombrés du bouquin? Converser théologie avec nous! Fou que je suis. Mais pourquoi pas? Les membres de l'Eglise catholique, ou même des protestants, sont en général de fins connaisseurs de la théologie. Ce qu'ils n'ont pas éradiqué de païen, ils l'ont pris et il y a matière à comparer entre certains rites et croyances abrahamiques et le grand tout païen religieux. Ce serait leur tendre une main les premiers, avant que tous les préjugés n'aient envahi la connaissance (l'inconscience plutôt) que les gens ont de nous. Ce serait peut-être s'entendre avec les ennemis d'hier plutôt que remettre au goût du jour la bataille de la Rivière froide. Ce serait, dans le pire des cas, raffermir nos points de vue.

Druide, moine ou Benoît XVI en pyjama?

Quant à l'Etat, au pouvoir... S'il prenait acte de ses discours, protégeait la nature et défendait la liberté des cultes, il n'y aurait pas de problème. Mais la culture païenne est sans doute loin de pouvoir toucher le coeur des politiciens, sauf peut-être ceux qui recherchent l'identitarisme et le replis sur leurs prétendues racines nationales (ah! ça, y en a des païens qui sauraient leur parler, mais ceux-là sont les plus dangereux, faut-il le prouver?). Avant qu'un politicien prenne conscience de l'absolue nécessité qu'il y a à changer la société humaine pour la raccorder au naturel qui la nourrit, et autorise la vente de tisanes, il y a un bout de chemin, qu'il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'accomplir en païen. Le paganisme a beaucoup à apporter à la société, mais il n'est pas prêt pour le pouvoir, et peut-être ne le sera-t-il jamais, aussi, je propose qu'on laisse l'Art s'exprimer et non l'Autorité.

Tout ça pour dire que le paganisme ne peut et ne doit pas être un enjeu de pouvoir, ni une sorte d'Eglise (comme l'aurait voulu l'empereur Julien en son temps), mais bien une société dans la société, qui pourrait aider à la régénérer. Culture dotée d'une forte spiritualité, voire même d'une sensibilité, capable de réunir l'humain et le divin-nature, le paganisme est à développer, mais alors... comment? Le problème, et il est majeur, c'est le prosélytisme. J'ai entendu dire de l'hindouisme (qui est en quelque sorte un paganisme, même si les hindous n'ont aucune relation avec les païens occidentaux que nous sommes) tolérait naturellement toutes les formes de religion, même monothéistes, mais qu'en contre-partie il ne supportait aucun prosélytisme de la part d'autrui. Or, n'est-ce pas une des revendications du paganisme contemporain, laisser à chacun la liberté de se forger un avis, une opinion et ne jamais, par Zeus, chercher à convertir qui que ce soit, au risque de recommencer le drame de la prétention universelle chrétienne? Transformer la société oui, la convertir non, et j'ai pour ma part une opinion bien arrêtée là. Il est à mon avis nécessaire, plus que jamais, de bien dissocier les aspects religieux de tout le reste. Alors que pourtant, tout est lié. Mais chut....

5 commentaires:

Funnyloves a dit…

Encore une pensée que je partage profondément bien sûr. On en manque des comme toi, c'est dommage !

Amitiés Chrétiennes :-P

Tom a dit…

Bah, si on est deux à penser pareil, c'est déjà une pensée vivante!

Je pense qu'un jour je serai tenté de développer cette pensée et, tiens, tu tombes bien toi. Saurais-tu à qui un païen devrait s'adresser pour converser théologie, histoire, éthique, etc, en tant que païen mais auprès d'un membre de l'Eglise... Un docteur en théologie? l'administration du diocèse? ta mère?

'Fin, j'dis ça mais c'est peut-être qu'utopie...

Funnyloves a dit…

Ta mère.

Sinon, le problème est un peu plus compliqué. J'ai tendance à me méfier des diocèses, qui nous amènent déjà vers la hiérarchie de l'Église, et plus on s'éloigne de la base, moins on trouve l'ouverture nécessaire (Petite généralisation gratuite).

Il y a probablement des Prêtres beaucoup plus intéressants, mais le problème, c'est la discrétion. C'est comme ces Prêtres par exemple qui ont une femme et des enfants ou qui vont discrètement bénir un couple homosexuel.

Le plus simple serait peut-être de se tourner vers d'autres Églises chrétiennes, naturellement connues pour être beaucoup plus ouvertes et accueillantes envers la multitude de l'humanité. Je pense à l'Église Vieille-Catholique (présente en Alsace, mais je crois qu'ils ont une église à Paris) ou à l'Église unie du Canada (Mais ça fait loin... Quoi qu'avec Internet...)

Tom a dit…

J'avais bien pensé à l'Eglise Vieille Catholique parce que tu m'en avais parlé une fois. A Paris il y a des Mariavites, mais je n'ai pas l'impression que ce soit tout à fait pareil.

Mais dans l'ensemble, ce que tu dis à propos de l'Eglise la plus influente (Rome id est), c'est qu'on ne peut pas espérer établir de dialogue avec, pas plus que si on essayait de faire rentrer un trois mats dans une cannette de bière.

Mais en même temps, moi, je n'ai pas tellement envie de parler à la hiérarchie toute entière. J'maîtrise pas encore assez le latin ni l'italien. Pi bon, c'est pas le moment de les titiller avec des paganeries encore bafouillantes les apostoliques... Juste causer théologie comparée autour d'un vin chaud. Et j'choisis la boisson pour faire plaisir à tout le monde, pas seulement à cause du froid.

Anonyme a dit…

Je crois que naturellement, plus ou moins discrètement le paganisme remplit sa fonction régénératrice. Comme le fait remarquer Christopher Gérard, c'est le paganisme qui est à la base de la renaissance, du romantisme allemand, d'un bon nombre des grands mouvements de renaissance intellectuelle en Europe. Voilà qui devrait nous encourager à continuer le travail.

(Helleniste)