mercredi 24 février 2010

Quand Zeus pleut...

Je suis sorti promener le bout de mon nez hors de la grotte des mystères aujourd'hui. J'ai laissé le manteau au crochet, j'ai marché quelques pas, acheté un truc, suis rentré, ai sorti les poubelles, me suis assis, ai écouté des messages sur mon répondeur, ai allumé la musique, lancé Muse, et... Le ciel s'est déversé.

Il flottait déjà dans l'air, les quelques minutes où j'étais à l'extérieur, un doux parfum vernal. Une senteur particulière, légère fragrance de fleur et d'azote, parfum de nymphe. Le soleil perçait la ville à jour, comme une répétition du printemps à venir. Un petit quelque chose qui vous fait sentir tout chaud dedans, tout doux dehors. Qui donne envie de s'allonger dans l'herbe pour déplumer les pâquerettes. De dégainer les lunettes de soleil et de regarder sous les jupes des filles. D'écouter le rossignol du matin au fond du jardin. Sauf qu'il y a encore peu de pâquerettes, de soleil, de jupes et que tu n'as pas de jardin. Chaque chose en son temps, on se contente de quelques pousses de plantes à bulbes dans les parcs, quelques rayons timides, des manteaux qui s'ouvrent et des pigeons. Toujours là, les pigeons. Quoiqu'il arrive, printemps ou pas, tu peux être sûr que les pigeons seront là. Comme les canards, sauf que les pigeons t'agressent pas pour te piquer ta crêpe, ils se rassemblent autour de toi et attendent, poliment, ramassant les miettes, en te jetant de discrets regards de côté façon " Si je puis me permettre, tu me rappelles quelqu'un... hé! Joe, regarde un peu ce mec, hein? - Ouais, ouais, moi aussi il me rappelle quelqu'un..." "Je le cônnais ce type!"

Merde... j'ai senti une goutte.

Mais laissons cela. Le printemps va venir, je le sais, je le sens. Sauf que le printemps n'est pas la saison des amours que pour les pigeons, les bulbes et les lunettes de soleil, c'est aussi la saison des amours entre deux caractériels, Héra aux bras blancs et le tout-puissant Zeus ("Hey minus, tire-toi d'mon cumulus"). C'est là que le mythe rejoint la réalité. Le parfum de nymphe senteur fleur et humidité, les clins d'oeil solaires... ça se chauffe, ça se tourne autour, aux cieux comme sur terre, et ça se conte fleurette avant de s'aimer comme des dieux. On appelle ça amour printanière, on appelle ça giboulée.

Et c'est pour ça qu'il se met à pleuvoir soudainement, à flots, comme vache qui... heu comme un déchaînement de pulsions climatiques, que ça dure quelques minutes, une parenthèse météorologique. Mais une parenthèse d'une rare intensité.

Eh ouais. C'est la nature...

Pensez-y quand vous sortirez, la prochaine fois que l'air sent le printemps comme aujourd'hui, que le ciel joue la drague, mi-timide, mi-torride, et que tout devient noir avant qu'il ne déverse sa passion sur terre. Amour printanière encore adolescente (ce n'est pas encore l'âge mûr de l'été, avec ses orages fougueux sur une terre en chaleur!), mais amour quand même. Et vous comprendrez peut-être combien la nature est amour, passion, tension séductrice, tel que le mythe le raconte sans doute lorsque, dépeinte par Homère, la belle Héra envoûte le grand Zeus dans un pré fleuri, toute revêtue de ses charmes aphrodisiaques... Symbole de fertilité, synonyme d'amour, élément des cycles de la vie, cette petite pluie printanière recèle une puissante magie, érotique, divine, naturelle.

Toutefois, si votre coeur est sensible à ce jeu métaphysique de l'éros naturel, n'allez pas attraper un rhume. Sortez couverts.

L'amour, c'est un coup à devenir aphone (ou à glisser...).

3 commentaires:

Funnyloves a dit…

Très touchant article. C'est l'avantage du païen.

Prenez moi, par exemple. Dans une telle situation, je me dis : putain, fais cher, j'ai encore oublié mon parapluie. Putain de Bordel de D(pardon).

Prenez lui : il s'extasie devant les gouttes d'eau et y voit Zeus et Héra jouant à la bête à deux dos.

Tom a dit…

Oh, j'm'extasiais de l'intérieur tu sais... J'pense toujours comme ça, chaque pluie de printemps, mais d'un autre côté personne, même païen, n'aime se retrouver en pleine orgie sexuelle sans avoir au préalable donné son accord! Quoique c'est vrai qu'il est plus facile de l'accepter quand on est païen.

Anonyme a dit…

Bel article. Funnyloves a raison, le païen peut s'émerveiller de toute manifestation de la nature (même si ça a ses limites et que parfois le coté "pas païen grincheux" prend le dessus, surtout quand il pleut très fort) et pour ma part je trouve ça plus gai.

Helleniste.