jeudi 2 octobre 2008

Pterry, ou la défense des orang-outans...

Il existe un monde en forme de disque, soutenu par quatre éléphants en équilibre sur la carapace d'une tortue marine immense, la Grande A'Tuin, battant des nageoires dans le multivers... Un monde qu'on appelle le Disque-Monde. "Monde et miroir des mondes", selon les termes de son créateur lui-même, nous renvoie notre image, d'une façon dont seul un miroir déformant saurait se vanter : il nous fait rire, nous caricature, nous métamorphose en un autre nous grossi et dégrossi. En sommes, tout dans la série des Annales du Disque-Monde est à prendre au second degré, tout est une projection de notre réalité bien à nous, passée à la moulinette de l'humour burlesque d'un Terry Pratchett génialissime.





Quelques mots sur le bonhomme : un journaliste qui a appris sur le tas, un humoriste qui propose de lutter pour les droits des orang-outans, un écrivain de fantasy best-seller adoré par ses compatriotes britanniques juste derrière J. K. Rowling. Bref, un magicien qui a le don de faire rire.





Critique littéraire : nous apprécions particulièrement ses personnages, du mage calamiteux Rincevent à Mustrum Ridculle, archichancelier de l'Université de l'Invisible, de Deux-Fleurs le touriste et son coffre à pattes, jusqu'à la Mort lui-même (la Mort est masculin et se pose beaucoup de questions existentielles... Comme dirait le poète, un crâne à la main : "Etre ou ne pas être, telle est la question!), en passant par un trio de sorcières issues des montagnes du Bélier et des clichés les plus subtils, un régal! Le déchaînement de magie et d'événements divers et (a)variés est épique, une potion détonnante, qui tient en haleine, le souffle coupé et un autre regard sur le monde.






Et je ne vous parle pas du rock'n troll ou des mécomptes de fée, que j'adore...



Petit extrait tiré du dernier lu :

" Mustrum Ridculle, archichancelier de l'Université de l'Invisible, était un autocondimenteur éhonté. A chaque repas, il avait son service à condiments personnel devant lui. Un service qui regroupait du sel, trois sortes de poivre, quatre de moutarde, quatre de vinaigre, quinze de chutney et son péché mignon : la sauce wow-wow, mélange de frottis, de concombres au vinaigre, de câpres, de moutarde, de mangues, de figues, de youplà râpée, d'extraits d'anchois, d'assa-foetida et, très important, de soufre et de salpêtre, histoire de relever le tout. Ridculle avait hérité la formule de son concle qui, un beau soir, après avoir arrosé un repas d'une demi-pinte de sauce, avait pris un biscuit au charbon de bois pour se soulager l'estomac, puis avait allumé sa pipe et disparu dans des circonstances mystérieuses - on avait cependant retrouvé ses chaussures sur le toit l'été suivant.
Il y avait du mouton froid au déjeuner. Le mouton accompagnait bien la sauce wow-wow ; le soir de la mort de Ridculle senior, par exemple, il l'avait accompagnée sur au moins cinq kilomètres.
Mustrum se noua sa serviette autour du cou, se frotta les paumes et tendit la main.
Le service à condiments se déplaça.
Il tendit à nouveau la main. Le service recula en glissant sur la table.
Ridculle soupira.
"D'accord les gars, dit-il. Pas de magie à table, vous connaissez l'règlement. Qui c'est qui joue au con?"
Les autres grands mages le regardèrent fixement.
"Je... je... je crois qu'on ne peut plus y jouer, dit l'économe dont la raison menaçait toujours de dérailler, je... je... je crois qu'on a perdu des pièces..."
Il regarda autour de lui, gloussa et tenta une nouvelle fois de couper son mouton avec une cuiller. Les autres mages évitaient désormais de lui laisser des couteaux à portée de main.
Tout le service à condiments s'éleva en l'air et se mit à tourner lentement sur lui-même. Puis il explosa.
Les mages, dégoulinants de vinaigres et d'épices onéreuses, restèrent figés, l'oeil rond.
"C'était sûrement la sauce, fit le doyen en manière d'explication. Je l'ai trouvée un peu douteuse hier soir."
Quelque chose lui tomba sur la tête avant d'atterrir dans son déjeuner. Une vis de fer, longue de plusieurs centimètres.
Une autre commotionna légèrement l'économe.
Au bout d'une seconde ou deux, une troisième plongea pointe en bas et se ficha dans la table près de la main de l'archichancelier.
Les mages levèrent les yeux.
La Grande Salle était éclairée le soir par un lustre imposant. Le terme de lustre, souvent synonyme de verrerie prismatique scintillante, convenait mal à l'engin démesuré, lourd, noir et encroûté de suif qui pendait au plafond comme l'épée de la Dame aux Clés. On pouvait y allumer mille bougies. Il se trouvait juste au-dessus de la table des mages.
Une autre vis tinta par terre près de la cheminée.
L'archichancelier s'éclaircit la gorge.
"On s'taille?" suggéra-t-il.
Le lustre s'abattit.
Des éclats de table et de vaisselle mitraillèrent les murs. Des boules de suif meurtrières grosses comme des têtes humaines filèrent par les fenêtres en vrombissant. Une bougie entière, propulsée des débris à une vitesse folle, s'enfonça de plusieurs doigts dans une porte.
L'archichancelier se dépêtra des restes de son fauteuil.
"Econome!" brailla-t-il.
On exhuma l'économe de la cheminée.
"Hum, oui, archichancelier? chevrota-t-il.
- C'était quoi, ce truc-là?" "
Pterry, Le faucheur.

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